Petit aperçu du chemin parcouru dans le dialogue entre Juifs et Chrétiens

dans le monde depuis 1945

 

 

 

1. UN TRAUMATISME DANS LA CONSCIENCE UNIVERSELLE

 

A la fin de la seconde guerre mondiale de 1939–1945, fut tardivement révélée aux opinions publiques la barbarie des camps de concentration et d’extermination nazis en Europe :

AUSCHWITZ

BIRKENAU

BUCHENWALD

DACHAU
MAJDANEK
STRUTHOF
SOBIBOR
RAVENSBRUCK
      TREBLINKA…

               

8 millions d’hommes, de femmes et d’enfants périrent dans ces camps de la mort, dont 6 millions de Juifs. Parmi eux, un million d’enfants.

C’était la Shoah (terme qui signifie en hébreu "catastrophe, anéantissement"), extermination programmée, au nom de l’idéologie nazie, de tous les Juifs d’Europe.

Le nazisme a aussi conduit à la tentative d’extermination d’autres groupes et minorités : les malades mentaux, les tziganes, les homosexuels, les opposants politiques… 

C’est un traumatisme sans précédent dans la conscience universelle.

 

Les photos qui suivent proviennent du camp d’extermination de Lublin-Majdanek (Pologne).

 

 

Ici, vue d’une clôture barbelée.

Au fond, des baraques en bois.

        Baraques en bois.


 

 

 

 

   

Intérieur d’une baraque

 

 

 Salle d’exposition des objets trouvés après la libération et qui appartenaient aux condamnés à mort. Ici des chaussures.

 

 

 

 

Salle de douche

transformée en chambre à gaz.

  

Le cyclon B : les S.S. versaient le cyclon B par les lucarnes qui se trouvaient dans le plafond des chambres à gaz. Le gaz émis faisait mourir les gens en 15 à 20 minutes.

 

 

 

 

Fours crématoires.

         Le crématoire

 

 

 

 


 

CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ :

 

Du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946 eut lieu à Nuremberg le procès des principaux chefs politiques et militaires de l’Allemagne nazie.

Une notion nouvelle vit le jour au cours de ce procès : le crime contre l’humanité (extermination de populations civiles et génocide).

Reconnus coupables de crimes contre l’humanité, la plupart des dirigeants nazis furent condamnés à mort par pendaison.

 

 

Le procès de Nuremberg, en 1946. Dans le box des accusés se succèdent (au premier rang, de gauche à droite) : Goering, Hess, von Ribbentrop, Keitel, Kaltenbrunner, Rosenberg, Frank, Frick, Streicher, Funk et Schacht (acquitté), et (au second rang) Dönitz (on ne voit pas son visage), Raeder, von Schirach, Sauckel, Jodl, von Papen (acquitté), Seyss-Inquart, Speer, von Neurath et Fritzsche (acquitté).

 

Le 14 mai 1948 à minuit : l’ÉTAT D’ISRAËL est proclamé.

 

 

David Ben Gourion lisant la déclaration d'indépendance d'Israël, le 14 mai 1948. L'année précédente, les Nations unies avaient décidé la création en Palestine de deux Etats, l'un juif et l'autre arabe, mais, dès le lendemain de l'indépendance, l'attaque arabe rendit caduc ce plan de partage.  © Ambassade d'Israël

 

 

 

2. LES DÉBUTS DE L’AMITIÉ JUDÉO-CHRÉTIENNE EN FRANCE

 

PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE

 

Dès que furent connues les horreurs perpétrées par la barbarie nazie, des chrétiens – prêtres, pasteurs, religieuses, laïcs – luttèrent, chacun dans sa sphère, pour tenter de sauver du massacre ceux dont le seul crime était d’être nés Juifs.

En France occupée, à Lyon, naquit, sous l’impulsion du cardinal GERLIER et de nombreuses personnalités chrétiennes, un mouvement plus structuré destiné à soustraire à la déportation et à la mort les Juifs - hommes, femmes et enfants - traqués par la GESTAPO.

Ce mouvement prit le nom, par suite des circonstances, d’"Amitié–Chrétienne".

Y participèrent : Mgr SALIEGE, le pasteur Roland de PURY, Mgr de SOLAGES, le pasteur André TROCME, le R.P. CHAILLET s.j.,…

 

Parmi ceux qui furent sauvés, citons parmi bien d’autres : le poète Edmond FLEG, l’historien Jules ISAAC…

 

APRÈS LA GUERRE

 

          

         ISAAC, JULES MARX (1877 -1963)

 

          Historien français né à Rennes, il devint inspecteur en chef de l’enseignement d’histoire au ministère de l’éducation nationale.

          Il fut cruellement éprouvé par la mort en déportation de sa femme et de sa fille.

        

 

Auteur de nombreux ouvrages, il publie en 1946 : "Jésus et Israël".

Dans ce livre "qui est le cri d’une conscience indignée, d’un cœur déchiré", Jules ISAAC révèle les racines chrétiennes de l’anti-judaïsme et réclame l’instauration d’un dialogue véritable entre Juifs et Chrétiens.

En annexe du livre (pages 575-578), il propose 18 points comme base pour corriger l’enseignement chrétien sur les Juifs.

 

 

 

 

Ces 18 PROPOSITIONS sont présentées par Jules Isaac à Seelisberg en août 1947.

 

Les 18 propositions : texte complet ...

 

 

Du 30 juillet au 5 août 1947 eut lieu à SEELISBERG (Suisse) une conférence internationale extraordinaire du COUNCIL OF CHRISTIANS AND JEWS, pour étudier les causes de l’anti-sémitisme chrétien et tenter d’y porter remède.

Parmi les soixante-dix personnalités venues de dix-sept pays, on comptait vingt-huit juifs (dont Jules ISAAC), vingt-trois protestants,  neuf catholiques et deux orthodoxes grecs.

Lors de cette conférence, les Chrétiens prirent conscience de l’état de l’enseignement chrétien à l’égard des Juifs et du judaïsme. Ils mesurèrent l’étendue de la responsabilité chrétienne dans le génocide hitlérien et comprirent qu’il fallait d’urgence corriger l’enseignement chrétien. Ils élaborèrent dix points, largement inspirés des dix-huit propositions de l’historien Jules ISAAC pour éradiquer les préjugés contre les Juifs.

 

 

Les participants à cette conférence : le premier assis à gauche, le Grand Rabbin de Roumanie, Alexandre Safran ; derrière lui, debout : le Grand Rabbin adjoint de France, Jacob Kaplan ; l'écrivain Josué Jéhouda, de Genève ; le professeur Selig Brodetzki, président du Conseil représentatif des Juifs d'Angleterre. (L'antisémitisme. Résultats d'une conférence internationale de chrétiens et juifs. Seelisberg, Suisse 1947. Edité par le Conseil International de Chrétiens et Juifs, Genève).

 

LES DIX POINTS DE SEELISBERG :

1. Rappeler que c'est le même Dieu vivant qui nous parle à tous, dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament.

 

2. Rappeler que Jésus est né d'une Vierge juive, de la race de David et du Peuple d'Israël, et que Son amour éternel et Son pardon embrassent son propre peuple et le monde entier.

 

3. Rappeler que les premiers disciples, les Apôtres et les premiers martyrs étaient juifs.

 

4. Rappeler que le précepte fondamental du Christianisme, celui de l'amour de Dieu et du prochain, promulgué déjà dans l'Ancien Testament, et confirmé par Jésus, oblige "Chrétiens et Juifs" dans toutes les relations humaines, sans aucune exception.

 

5. Éviter de rabaisser le Judaïsme biblique ou post-biblique dans le but d'exalter le Christianisme.

 

6. Éviter d'user du mot "juifs" au sens exclusif de "ennemis de Jésus" ou de la locution "ennemis de Jésus" pour désigner le peuple juif tout entier.

 

7. Éviter de présenter la Passion de telle manière que l'odieux de la mise à mort de Jésus retombe sur les Juifs seuls. Ce ne sont pas les Juifs qui en sont responsables, car la Croix, qui nous sauve tous, révèle que c'est à cause de nos pêchés à tous que le Christ est mort.

 

8. Éviter de rapporter les malédictions, scripturaires et le cri d'une foule excitée : "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants", sans rappeler que ce cri ne saurait prévaloir contre la prière infiniment plus puissante de Jésus : "Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font."

 

9. Éviter d'accréditer l'opinion impie que le peuple juif est réprouvé, maudit, réservé pour une destinée de souffrances.

 

10. Éviter de parler des Juifs comme s'ils n'avaient pas été les premiers à être de l'Église.

 

Ce message a été rédigé par les membres chrétiens de la Commission religieuse à l'intention des chrétiens. Afin d'éviter tout malentendu, les délégués juifs de cette Commission ont précisé dans une déclaration écrite, qu'ils ne prenaient aucune position quant aux implications théologiques et historiques du texte.

 

 

DES JUSTES DES NATIONS :

 

Ceux qui, au risque de leur propre vie, se portèrent au secours des Juifs, leurs frères humains, l’état d’Israël les honore aujourd’hui en leur décernant le plus haut titre de vertu biblique, celui de "JUSTE DES NATIONS".

Ci-dessous, le Pasteur André Morel, "juste des nations", désignant sa propre plaque au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem.

 

 

 

 

CRÉATION DE L’ASSOCIATION "AMITIÉ JUDÉO-CHRÉTIENNE DE FRANCE" :

 

C’est le 26 février 1948, dans l’appartement parisien du poète juif Edmond FLEG, qu’un petit groupe de catholiques, de protestants, d’orthodoxes et de juifs jetait les bases de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France. Parmi eux : Jules ISAAC.

 

 

             

 

L’Amitié Judéo-Chrétienne de France publie une revue qui prend ensuite le titre de « Sens » et qui continue à connaître un tirage mensuel.

L’A.J.C.F. compte actuellement 48 sections déclarées.

 

 

 

3. UN DIALOGUE QUI PROGRESSE DANS LE MONDE

 

Le dialogue ainsi initié s’enrichit au long des années suivantes de contributions multiples.

 

1950 : le 27 avril, le synode des églises évangéliques d’Allemagne déclare à propos de la Shoah :  “ Nous nous déclarons solidairement coupables”.

 

 

 

1953 :

Edmond FLEG (1874 – 1963)  publie 

« Jésus raconté par le Juif Errant ».

Ce livre apparaît comme une toute

première lecture juive des Evangiles.

 

 

1959 : A la suite de leurs entretiens avec Jules ISAAC, les papes Pie XII puis Jean XXIII avaient supprimé dans la liturgie catholique du Vendredi Saint des termes et des rites méprisants à l’égard des Juifs.

 

 

1961 : A la 3ème assemblée du CONSEIL OECUMÉNIQUE DES ÉGLISES qui se réunit à NEW-DEHLI (INDE) fut récusé l’enseignement qui attribue au peuple juif la crucifixion de Jésus. L’assemblée déclara que cette responsabilité appartient à l’humanité et adopta la résolution – motion suivante contre l’antisémitisme :

 

« Nous appelons toutes les Églises que nous représentons à dénoncer l'antisémitisme, quelle que soit son origine, comme étant absolument inconciliable avec la profession et la pratique de la foi chrétienne. L'antisémitisme est un péché contre Dieu et contre l'Homme. Ce n'est qu'en donnant à notre prochain, juif, la preuve convaincante que nous réclamons pour lui les droits et les privilèges que Dieu veut pour ses enfants que nous pouvons le rencontrer de telle sorte qu'il nous soit possible de le faire participer aux choses les meilleures que Dieu nous a données en Christ.

L'Assemblée renouvelle cet appel parce que des situations continuent à exister, où les Juifs sont victimes de discrimination, voire de persécutions. L'Assemblée exhorte ses Églises membres à résister de toutes leurs forces à toute forme d'antisémitisme.

Dans l'enseignement religieux chrétien, les événements historiques qui ont conduit à la crucifixion ne devraient pas être présentés de manière à faire endosser aux Juifs d'aujourd'hui des responsabilités qui reposent sur notre humanité tout entière, et non sur une seule race ou communauté. Des juifs ont été les premiers à accepter Jésus, et des Juifs ne sont pas les seuls à ne pas le reconnaître encore. »

 

 

 

1962 :

 

     Dernier livre de Jules ISAAC

     avant son décès en 1963.

 

 

1965 : Déclaration catholique "Nostra Aetate".

 

Le Concile Vatican II, voulu par le pape Jean XXIII, publie le 28 octobre 1965 un texte capital intitulé "Nostra Aetate" qui commence ainsi :

"Scrutant le mystère de l’Église, le Concile rappelle le lien qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament avec la lignée d’Abraham".

Le Concile rappelle que Jésus et les Apôtres étaient tous juifs, et que les dons et l’appel de Dieu envers les juifs sont sans repentance.

"Du fait d’un si grand patrimoine spirituel, commun aux chrétiens et aux juifs, le Concile veut encourager et recommander entre eux la connaissance et l’estime mutuelles, qui naîtront surtout d’études bibliques et théologiques, ainsi que d’un dialogue fraternel".

 

Désormais, une ère nouvelle est officiellement ouverte.

 

Nostra Aetate : texte complet ...

 

 

 

4. DIALOGUE ET REPENTANCE PLUS QUE JAMAIS D’ACTUALITE

 

1997 : DÉCLARATION DE REPENTANCE DES ÉVÈQUES DE FRANCE

 

Le 30 septembre 1997 à Drancy, les évêques de France, évoquant la Shoah, faisaient repentance, reconnaissant officiellement et publiquement que "devant l'ampleur du drame et le caractère inouï du crime, trop de pasteurs de l'Église ont, par leur silence, offensé l'Église elle-même et sa mission. Aujourd'hui, nous confessons que ce silence fut une faute. (…) Nous confessons cette faute. Nous implorons le pardon de Dieu et demandons au peuple juif d'entendre cette parole de repentance".

 

Déclaration de repentance : texte complet ...

 

 

1998 : Le 16 mars 1998, un document approuvé par Jean-Paul Il et publié par le secrétariat romain pour les relations avec le judaïsme, reconnaît que "l'enseignement du mépris" a favorisé l'anti-sémitisme et le génocide des Juifs.

 

 

1999 : ACCORD LUTHÉRO-CATHOLIQUE

 

Le 31 octobre 1999 à Augsbourg (Allemagne), les autorités catholiques et protestantes signent un accord historique. Il met fin au contentieux doctrinal sur la "justification" à l'origine de la Réforme protestante du XVIème siècle (31 octobre 1517) et des guerres de religion.

 

 

2000 : VISITE HISTORIQUE DU PAPE JEAN-PAUL II À JÉRUSALEM

 

Parmi les étapes les plus marquantes de son voyage, mentionnons la visite du Pape Jean-Paul II à Yad vashem (le mémorial de la shoah) et au Mur occidental.

Entre les pierres de ce Mur, il introduit une prière dont nous reproduisons ci-dessous la traduction.

 

Pour plus de détails...

 

 

 

« Dieu de nos pères, Tu as choisi Abraham et sa descendance pour porter ton Nom aux Nations : nous sommes profondément attristés par le comportement de ceux qui, au cours de l'histoire, ont fait souffrir Tes enfants. En demandant ton pardon, nous souhaitons nous engager dans une fraternité authentique avec le peuple de l'Alliance. »

 

 

2000 : En mars 2000, Mgr Joseph Doré, archevêque de Strasbourg, impulse une nouvelle « Commission diocésaine chargée des relations avec le Judaïsme ». Actuellement dirigée par Joseph Musser, vicaire général, la commission comprend une douzaine de membres et se réunit au moins une fois par trimestre.

 

 

2000 : « DABRU EMET » (« Dites la vérité ») : DÉCLARATION JUIVE SUR LES CHRÉTIENS ET LE CHRISTIANISME

 

Signée par 173 personnalités juives, cette déclaration est publiée aux Etats-Unis le 10 septembre 2000 sous forme d’une page publicitaire complète dans le « New York Times » ainsi que dans « The Sun » à Baltimore.

« Nous croyons qu’il est temps pour les Juifs d’être au courant des efforts que font les Chrétiens pour rendre honneur au Judaïsme et de réfléchir à ce que le Judaïsme peut dire du Christianisme à présent. (…)  Juifs et Chrétiens doivent œuvrer ensemble pour la justice et la paix. »           

 

Dabru Emet : texte complet ...

 

 

2001 : EGLISE ET ISRAËL :

 

La Communion ecclésiale de Leuenberg (qui fédère plus de cent Eglises protestantes d’Europe) publie une importante Déclaration, ‘Eglise et Israël’, unique en son genre  tant par son ampleur que par le nombre de pays concernés.

 

Eglise et Israël : plus de détails ...

 

 

bbbbbbbbbbbbbbbbb

 

 

En 50 ans, que de chemin parcouru les uns vers les autres !

Nous voyons à présent se profiler à l’horizon le moment où Juifs et Chrétiens, ensemble cette fois, feront face aux défis du monde pour éveiller les consciences de demain à la Transcendance.

Serez-vous, vous aussi, de cette aventure ?

 

 

 

 

--------------------------------------------

Au moment où le groupe de l’Amitié Judéo-Chrétienne de Mulhouse fêtait en l’an 2000 ses 40 ans, ses membres actuels ont tenu à faire œuvre de mémoire, d’autant que ceux qui ont initié ce dialogue entre Juifs et Chrétiens au lendemain de la deuxième guerre mondiale nous quittent peu à peu. Les documents rassemblés ont permis de réaliser 8 panneaux de 1,80 m par 0,60 m pour faire connaître toute cette histoire ainsi qu'une plaquette éditée en juin 2003. (disponibles auprès de l’AJCMulhouse). Nous en avons extrait la matière de ces quelques pages. Merci à tous ceux qui ont contribué à cette réalisation, notamment Jérôme Batoula, Jean-Marie Renoux et Christian Schipfer.